Il y a une considération fondamentale qui est souvent omise dans ces posts qui affirment que les ingénieurs sont sous-payés : la qualité de l'école. Toutes les écoles d'ingénieur ne se valent pas. Un ingénieur diplômé de CentraleSupelec sera bien mieux payé qu'une école lambda en région. Leur moyenne de salaire frôle les 60 000 € / an. C'est logique. Les écoles d'ingénieur ont un fonctionnement assez similaire à celui des écoles de commerce. Il y a les grandes écoles d'un côté (top 10), et le reste de l'autre. Côté grandes écoles, on a statistiquement plus de chances de recruter une tête bien faite, de l'autre côté il y en a aussi mais il faudra affiner le recrutement. Comme dans beaucoup d'écoles de commerce très moyennes, le niveau des étudiants est bas pour la majorité d'une promotion. Sincèrement on n'a pas envie de les recruter, ils ne sont pas bons. Ils ne seront pas de futurs cadres qualifiés de l'industrie ou du nucléaire.
D'ailleurs les grandes écoles d'ingénieur, quant à elles, ne désemplissent pas, elles conservent leur attractivité auprès des étudiants. Les autres sont à l'image de ce qu'est en train de devenir l'enseignement supérieur français : le niveau est médiocre. C'est le cas partout, dans les écoles de commerce, dans le droit etc.
Néanmoins n'oublions pas que le marché du travail demeure un marché économique avant tout (offre/demande), il est le seul juge de paix quand il s'agit d'évaluer la qualité d'un diplôme et d'une formation. Or, des gens moins bons on investit le marché du travail des ingénieurs ces dernières années, le niveau a baissé et donc la moyenne des salaires aussi (le pouvoir d'achat). Nous, entreprises, trouvons qu'un ingénieur d'une école moyenne ne vaut pas plus de ~ 35k € / an, il arrive avec très peu, ou pas, de connaissances pratiques, il ne sera donc pas opérationnel.
Pour ceux qui ne sont pas familiers des coûts employeur : 35k € / an pour une entreprise cela revient au total à ~ 60 000 € chargé et environné. Voilà ce sur quoi des gens crachent en considérant que "c'est un manque de respect" pour le métier d'ingénieur. Vous gérez vos entreprises comme vous voulez mais jamais de ma vie je mets 60 000 € sur quelqu'un de moyen qui n'écrit pas correctement en français, qui ne parle pas anglais, et qui n'a pas les codes sociaux de la vie des affaires ou du chantier. Oui c'est cela le niveau commun du "ventre mou" de ces écoles.
Comprenez que nous devons parier sur un étudiant ingénieur en le formant et en espérant qu'il soit à la hauteur des exigences d'une entreprise. Là où ses camarades d'université oscilleront entre 26 et 32k € / an alors qu'ils sont tout aussi bons, voire meilleurs. Je ne fais plus la distinction puisque peu d'écoles d'ingénieur se différencient de l'Université à ce jour, ils restent dans la théorie en pensant, j'imagine, devenir de grands cadres penseurs à 60 000 € / an à 23 ans parce qu'ils ont le label "ingénieur".
Il est là le problème, nous ne manquons pas d'ingénieurs mais d'ingénieurs qualifiés, prêts à être employés sur le terrain. Un ingénieur qui commencera par la base et qui finira cadre mais avec une dimension terrain, pas conseil blabla dans les bureaux h24. Là on sera peut-être prêts à proposer des 45-50k € en sortie de diplôme. En attendant, le niveau ne fait que baisser et les salaires aussi. Bien malin est celui qui affirmera que c'est la faute des entreprises.
Les ingénieurs sont une force précieuse pour la France. C'était notamment le cas jusqu'aux années 70 qui marquent le début de la période de désindustrialisation de la France. A partir de 1974, et jusqu'au début des années 2000, l'emploi industriel diminue chaque année de 1,5 % en France, tandis que l'emploi dans les services croît de 1,5 % à 2 % par an.
Entre 1970 et 2020, la France est d'ailleurs le pays européen qui s'est le plus désindustrialisé, avec une perte de 2,5 millions d'emplois industriels depuis 1974. La structure de l'emploi française a ainsi évolué pour donner une place prépondérante au secteur tertiaire, celui des services. Les entreprises industrielles, qui auparavant effectuaient toutes les tâches liées au droit, au marketing, aux ressources humaines, etc., en interne, ont de plus en plus externalisé ces tâches. Cette externalisation représente environ 25 % des pertes d'emplois industriels en France entre 1980 et 2007, selon une note de la Direction générale du Trésor Public.
Contrastons cela avec les années 50 et 60, où le contexte était tout autre. À cette époque, l'industrie française était en plein essor, et la demande pour des ingénieurs terrain qualifiés était forte. Entre 1950 et 1973, la France a connu une croissance industrielle moyenne de 5 % par an, un taux parmi les plus élevés d'Europe.
Les écoles d'ingénieurs formaient principalement des experts techniques destinés à intégrer directement les usines et les chantiers. Les ingénieurs jouaient alors un rôle crucial dans le développement économique du pays.Les formations académiques ont depuis suivi cette évolution pour répondre aux demandes du marché de l'emploi. Les écoles d'ingénieurs, autrefois orientées vers la formation de techniciens et d'experts terrain (c'est dans le nom : les Mines, Ponts et Chaussées etc), ont adapté leurs programmes pour former des ingénieurs destinés au conseil et aux services.
Ce changement a notamment conduit à une pénurie actuelle d'ingénieurs employables, selon une enquête de l'Union des Industries et Métiers de la Métallurgie (UIMM), la France manque actuellement de 40 000 ingénieurs chaque année.
Aujourd'hui les cartes économiques sont rebattues, nous devons réindustrialiser et relancer le nucléaire. Certains affirment qu'en France les salaires ne sont pas assez élevés (42k € brut / an en sortie de diplôme) et provoqueraient cette pénurie, je réfute complètement cet argument.
Nous devons repenser la formation et la sélection des ingénieurs.
Moins de conseil + de terrain et de pratique.