Cela fait bientôt 4 ans que la France a transposé le décret BACS, obligation européenne issue de la directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD), qui impose l'installation d'un système de pilotage énergétique (GTB) sur les bâtiments tertiaires. Il s'agit d'un des outils qui doit permettre la neutralité énergétique des 10 milliards de m2 de surfaces tertiaires que compte l'Union Européenne (UE).
Nous commençons à avoir un certain recul sur la mise en application de cette obligation en France et il apparaît que la réglementation demeure méconnue ou mal comprise des acteurs du secteur. De 2017 à 2024, le taux de bâtiments équipés d'un système de pilotage énergétique est passé de 12% à 15%. Le décret BACS a été publié en 2020. On observe que ce sont surtout les grands bâtiments des grands groupes qui ont saisi l'occasion pour renouveler leurs systèmes existants.
En réalité, l'enjeu principal de cette réglementation ce sont les petits et moyens bâtiments. Ils sont plus nombreux en nombre et m2 que les gros bâtiments. Ce sont les moins équipés puisque leur taux est < 1% là où il est > 80% pour les bâtiments de +10 000 m2.
Diverses raisons expliquent cela, toujours est-il que l'obligation est jeune et nécessite plus de pédagogie auprès des propriétaires, gestionnaires et occupants des bâtiments. Je profite de ce billet pour vous exposer les 5 fausses vérités que j'entends régulièrement au sujet du décret BACS et de l'obligation d'installer un système de pilotage énergétique. J'essaye ainsi de mettre à profit ma formation de juriste ainsi que mon expérience de chef d'entreprise dans les systèmes énergétiques.
1) Les bâtiments concernés sont ceux > 1000m2
Il s'agit d'une confusion courante avec les critères posés par le décret tertiaire. En effet, celui-ci impose aux bâtiments de +1000m2 de réduire leur consommation énergétique de 40% d'ici 2030. Le décret BACS quant à lui se concentre sur la puissance de vos équipements de chauffage - ventilation - climatisation (CVC). Les bâtiments dont la puissance > 290 kW doivent être équipés d'un système de pilotage énergétique (GTB) avant le 1er janvier prochain, ceux > 70 kW avant le 1er janvier 2027 (peut-être un report à 2029). Autrement dit, si vous avez un magasin de 900 m2 avec des équipements puissants vous pouvez tout de même être concernés par l'obligation d'installer un système de de pilotage énergétique.
2) L'application de la norme NF EN ISO 52120-1 est obligatoire (classe C mini)
Là aussi cette affirmation à la dent dure. Juridiquement, le décret BACS, codifié aux articles R175-1 à R175-9 du code la construction et de l'habitat, ne mentionne aucunement l'obligation de suivre le référentiel de cette norme NF. Il s'agit de droit souple qui trouve son unique matérialité dans l'arrêté du 22 décembre 2023 qui promulgue une fiche d'aides financières (CEE) pour l'installation d'un système de pilotage énergétique (GTB).
Traduction : Si je sollicite des aides je dois me soumettre aux critères de la norme NF afin de déterminer et obtenir un montant X € d'aides CEE.
Jusqu'au 30 juin 2024, les aides couvraient de 70 à 100% de nombreuses installations, tout le monde a donc appris la langue des "classes de performance énergétiques" de la norme NF. "Il faut faire de la classe A" pour toucher le jackpot. L'ensemble des acteurs ont donc appris à raisonner, installer selon les exigences de cette norme NF oubliant les dispositions reines, celles du décret BACS.
Les aides désormais divisées par 2,5, on se précipite beaucoup moins sur l'adoption d'une classe A de performance énergétique. Coûteuse, exigeante techniquement, sans aides il n'y a plus personne. Toutefois, la filière est imprégnée de ce référentiel et invente des pratiques parfois contraires au décret BACS lui même. Beaucoup des fausses vérités énoncées dans ce billet en sont l'émanation.
Si vous ne sollicitez pas d'aides vous n'avez pas à suivre à la lettre le règlement de la norme NF EN ISO 52120-1, celui impose un système qui contrôle et suit les équipements de CVC, l'éclairage, de production d'énergies renouvelables (panneaux solaires), de régulation.
3) Je n'ai pas besoin de connecter l'éclairage
Contre-intuitif mais il apparaît que l'éclairage fait partie des équipements devant être régulés par le système de pilotage énergétique (GTB). Et pour cause, le décret BACS exige le suivi et le contrôle des "systèmes techniques", or l'article R175-1 les définit comme "tout équipement technique de chauffage des locaux, de refroidissement des locaux, de ventilation, de production d'eau chaude sanitaire, d'éclairage intégré (...)". Il est mentionné "l'éclairage intégré" comme système devant être suivi et régulé. Je n'ai pas la réponse concernant la signification exacte de l'adjectif "intégré" dans la présente phrase. A mon humble avis, cela signifie qu'on cible les éclairages qui sont alimentés par le bâtiment. Peut-être un moyen de faire comprendre que la définition comprend aussi bien l'éclairage intérieur qu'extérieur du bâtiment. Ce qui me fait dire ça c'est que l'article R126-16 du code de la construction et de l'habitation au sujet du diagnostic de performance énergétique (DPE) dispose que le document doit faire état de "l'éclairage intégré" soit l'éclairage tout court du bâtiment.
4) Je ne suis pas obligé de payer une maintenance pour le système
Et si ! Vous n'êtes jamais obligé d'accepter la maintenance proposée par votre installateur, néanmoins le décret est clair : **"**les systèmes d'automatisation et de contrôle des bâtiments font l'objet, en vue de garantir leur maintien en bon état de fonctionnement, de vérifications périodiques par un prestataire externe ou un personnel interne compétent.".
Soit vous avez une personne compétente et formée en interne (ce qui est rarement le cas), soit vous devrez couvrir l'entretien du système par un contrat de maintenance.
5) J'ai déjà une GTB ou un SME je respecte le décret
Le simple fait d'être d'ores et déjà équipé d'une gestion technique du bâtiment (GTB) ne permet pas de justifier de la conformité au décret BACS. Il faut réaliser un audit de celle-ci afin de s'assurer qu'elle est en phase avec les exigences de la réglementation française. Il y a fort à parier qu'une GTB installée il y a + de 3 ans ne soit pas tout à fait complète. L'avantage d'en posséder une c'est que les coûts de mise à niveau peuvent être réduits selon l'âge du système.
Il n'en demeure pas moins que ces systèmes répondent rarement aux exigences de suivi et d'analyse des données de production (ENR), consommation des systèmes du bâtiment.
Les services de mangement de l'énergie (SME), quant à eux, sont excellents pour la partie analytique du décret BACS, et plus généralement pour répondre aux besoins des services non techniques de l'entreprise grâce à une présentation ordonnée de la donnée énergétique.
Néanmoins, ils ne peuvent satisfaire l'obligation du décret BACS qui exige une action sur les systèmes techniques en fonction des données précédemment citées.